LES ESCAPADES DE PETITRENAUD

Entre nous l’invité : Jean-Luc Petitrenaud

“J’aime quand un épicier signe les produits qu’il sélectionne”

Souvent copié jamais égalé, Jean-Luc Petitrenaud a participé avec ses célèbres « Escapades » diffusées chaque dimanche à 12 h sur France 5*, à réconcilier les Français avec leur patrimoine gastronomique et ses nombreuses spécialités. Sur son chemin, il a naturellement croisé de nombreux épiciers fins. Il nous en parle dans cet entretien riche en précieux conseils.

LMEF. Vous arrive-t-il de rencontrer des épiciers fins au cours de vos pérégrinations télévisuelles ?

JEAN-LUC PETITRENAUD. Souvent, puisque c’est une profession qui est revenue à la mode. Face au raz-de-marée des grandes surfaces et des centrales d’achat, il y a de plus en plus de gens qui par amour de leur culture régionale et des bons produits, partent à la recherche de petits biscuits traditionnels, de poivres rares ou d’huiles originales… et les proposent à la vente dans leurs boutiques.

LMEF. S’il fallait nous donner un exemple de belle épicerie fine ?

J-LP. Sans doute la plus belle épicerie fine qui soit : la Maison Gosselin à Saint-Vaast-la-Hougue dans le Cotentin. Je crois qu’ils en sont à la quatrième génération d’épiciers fins ! Ce sont des personnes formidables qui torréfient leur café, mettent leur riz en sachet, font faire leurs propres confitures par les meilleurs… On y trouve tout : des épices bien sûr que l’on peut acheter au détail mais aussi de la crèmerie, de la charcuterie, un rayon primeur, de la confiserie, des ustensiles de cuisine et une cave magnifique, riche de 45 000 bouteilles avec un choix impressionnant, le tout d’une qualité sans nom. Comme les centrales d’achat achètent tout pour les commerçants : le sucre, le café, les pâtes… tout le monde trouve partout, absolument les mêmes produits. Ce n’est pas le cas chez Gosselin et chez les épiciers fins de France qui sont en quête d’authenticité et cela m’enchante. Ce que j’apprécie encore plus dans cette épicerie du Cotentin, c’est d’y croiser aussi bien les femmes des marins-pêcheurs que les résidents secondaires et les Anglais qui traversent la Manche pour faire le plein de bonnes bouteilles et de bons produits. C’est rassurant, car on se dit que la tendance du « partout pareil » n’est pas une fatalité.

LMEF. Comment l’expliquez-vous ?

J-LP. J’imagine que cela s’inscrit dans une sorte de quête d’un renouveau et de singularité. On est dans une démarche d’originalité foudroyante et l’on ne veut plus consommer les mêmes produits à l’Ouest, au Sud, au Nord ou à l’Est. Chacun recherche alors ce petit quelque chose d’unique, de manière à pouvoir le vanter à ses amis ou à sa famille, ne serait-ce qu’en préparant un plat de pâtes au caractère exclusif. Et c’est un vrai travail d’enquêteur que doivent faire les épiciers fins pour relever ce défi chaque jour : présenter d’excellents produits rares avec une vraie personnalité.

LMEF. Vous ne le savez peut-être pas, mais nombreux sont nos lecteurs qui aimeraient être à votre place lorsque vous parcourez la France à la rencontre des meilleurs artisans. Quels conseils pourriez-vous leur donner pour qu’ils posent les bonnes questions aux petits producteurs qu’ils découvrent ?

J-LP. L’essentiel est la régularité d’une production parce qu’un client qui va aimer tel vin découvert chez un petit vigneron, telle confiture ou telle soupe de poissons, doit pouvoir les retrouver tout au long de l’année. Il faut donc s’en assurer et que les rayonnages ne soient pas remplis de « sautes d’humeur ». Si rien ne garantit cette régularité, le commerçant peut jouer la carte de la série limitée mais il faut que ce soit clair : « Voici un produit coup de cœur, j’en ai pour quinze jours et après je n’en n’aurai plus ». Si ces offres épisodiques sont bien gérées, les clients se presseront pour profiter de l’événement. Ensuite, j’aime assez lorsque l’épicier indique son nom sur les produits qu’il a sélectionnés : un riz de Camargue par exemple. C’est comme si la main de l’épicier était posée sur l’épaule de celui qui achète le produit. Cela me plaît, d’autant que je trouve qu’il y a une forme de fierté à pouvoir revendiquer son goût, ses préférences, une qualité, une découverte…

LMEF. Que pensez-vous de la vogue du made in France ?

J-LP. Forcément j’adore. Si on ne défend pas nos produits, je ne sais pas ce que l’on peut défendre dans la vie. Je suis descendu récemment à Uzès pour tourner dans le Gard et dans le train, il n’y avait pas de vin blanc, ni de rosé ! J’étais dans la voiture-bar du TGV qui file à 300 km à l’heure lorsqu’il traverse le vignoble des Côtes du Rhône pour déboucher sur d’autres vignobles plus au Sud… et il n’y avait pas une seule bouteille à bord qui fasse référence à cela. Pire : le petit cake proposé pour accompagner une éventuelle boisson était made in America ! Je trouve inadmissible que l’on ne défende pas nos fabrications dans cette belle vitrine du made in France que devrait être cet espace du TGV. Par contre, je suis revenu sur la même ligne dans un train qui partait de Barcelone et là, j’ai trouvé des vins et des produits espagnols !

LMEF. Vous a-t-on déjà proposé de mettre votre nom sur des produits alimentaires ?

J-LP. Non, mais ce sera peut-être pour la troisième partie de ma carrière. En effet, je serais assez content de dire : « Je trouve ce camembert exceptionnel, il y en a peu mais je le garantis. C’est le camembert Petitrenaud ! »

Propos recueillis par Bruno Lecoq

* Sur TV5 Monde également.

Jean-Luc Petitrenaud publie chez Flammarion en novembre prochain, « Bienvenue chez moi », un livre dans lequel il évoque les maisons qui ont compté dans sa vie, les odeurs de cuisine et ses « bonheurs à table ».

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