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Thé aromatisé : un vecteur de croissance pour l’épicerie fine

Si le thé aromatisé n’a connu un réel essor qu’au début des années 1970, sa consommation tend à se développer : il représente aujourd’hui plus de 50 % des ventes de thé en France. Inventé par les Chinois qui élaborèrent très tôt des thés au jasmin, à la rose ou au litchi, rendu populaire en Europe au xixe siècle par le comte Charles Grey qui mit au point un mélange de thé noir et de bergamote, le thé aromatisé n’a finalement connu son envol qu’à la fin des années 1970, époque à laquelle Fauchon rencontre au Japon un succès fulgurant avec son célèbre thé à la pomme. Aujourd’hui, alors que les ventes de thé ont globalement tendance à stagner, le thé aromatisé représente une source de développement significatif pour l’ensemble du secteur, et plus particulièrement sur les produits haut de gamme qui sont l’apanage des épiceries fines.

L’avis des professionnels : lorsqu’on les questionne sur le thé aromatisé, les professionnels du secteur – qui ne jurent que par les thés de pure origine – parlent d’un thé « d’initiation », désormais incontournable. François-Xavier Delmas, fondateur avec Mathias Minet du Palais des Thés, ose même la comparaison : « Le thé aromatisé est au thé ce que le kir est au vin. » Olivier Scala, président du Comité français du thé, qui rassemble 90 % des professionnels du secteur, parle de son côté d’une période de cinq ans, soit le « temps d’infusion » nécessaire pour que le consommateur de thé aromatisé passe au thé de pure origine. Ceci étant dit, si la consommation de thé s’est largement démocratisée en quarante ans, la culture du thé telle qu’on la conçoit dans les pays asiatiques est très loin d’avoir conquis le consommateur français et même européen. Les ventes de thés purs marquent le pas, tandis que celles de thés aromatisés continuent de progresser. Boisson plaisir et boisson découverte offrant une palette de saveurs quasi illimitée, le thé aromatisé est l’objet de toutes les attentions.

Une boisson créative. Que de chemin parcouru depuis les premières petites boîtes métalliques commercialisées par Hédiard et Fauchon au début des années 1980 ! La gamme des saveurs proposées sur le marché n’a cessé de s’étendre depuis.

« C’est un phénomène sans fin, commente Olivier Scala, qui dirige aujourd’hui la société Thés George Cannon rachetée par son père en 1970. Il y a d’abord eu les thés monofruit, qui se sont beaucoup vendus entre 1975 et 1990, puis des compositions plus complexes mélangeant les arômes, qui ont plu aux consommateurs. Il y a eu la tendance “agrumes”, “fruits exotiques”, “fruits rouges”. Nous sortons aujourd’hui d’une période où nous avons beaucoup travaillé sur les épices (gingembre, cannelle, etc.) et la tendance actuelle est aux notes gourmandes avec des thés “macaron”, “tarte citron” ou “tarte Tatin”. »

Ce qui fonctionne le mieux, remarquent les observateurs, ce sont les compositions ludiques, créatives. Avec une prédilection pour les thés verts, qui s’inscrivent dans la recherche de boissons « bien-être », bénéfiques pour la santé. Cédric Richard, qui commercialise en France depuis un an la marque English Tea Shop, note de son côté une forte demande pour des thés aromatisés à base de fruits et de fleurs. « Mais il faut un fruit ou une fleur qui sorte de l’ordinaire, précise-t-il. Les clients ont besoin de voyager, de découvrir des saveurs méconnues, rares. Notre thé vert à la grenade et aux pétales de rose répond très bien à cette attente. » La toute dernière tendance – encore naissante – donne un bonus aux thés bios, garantis sans pesticides.

Ces thés bios aromatisés ne peuvent pas contenir plus de 5 % d’arômes naturels et sont principalement à base de thés verts, recherchés pour leurs qualités antioxydantes. Selon une étude publiée par Agritrade en 2012, les consommateurs européens sont également de plus en plus sensibles aux conditions sociales et humaines liées à la culture du thé. Ils cherchent de plus en plus à acheter des thés certifiés. À la vague des nouveautés s’ajoutent enfin quelques recettes indémodables, qui ont chacune leurs aficionados. Si le mélange Marco Polo de Mariage Frères en est un des exemples les plus représentatifs, chaque maison a son grand classique : Secret Tibétain de George Cannon, une recette vieille de trente ans, ou Goût Russe Douchka inventé par Dammann Frères dans les années 1950…

Comment choisir ? La première démarche pour l’épicier fin consistera à sélectionner un thé aromatisé de qualité. Seront donc à privilégier les thés à base d’essences ou d’arômes naturels, même s’ils peuvent parfois présenter des problèmes de stabilité au niveau du goût, plutôt que les thés élaborés à partir d’arômes de synthèse. Pour le reste, une dégustation s’impose. On doit pouvoir retrouver en bouche les promesses du thé, celles de l’énoncé de sa recette mais également celles ressenties en le humant. « Il faut que l’on puisse reconnaître, confirme François-Xavier Delmas, l’origine du thé et qu’il ne soit pas assommé par les arômes. » Qu’il soit noir, blanc, rouge ou vert, ce thé doit être de qualité. Parmi les autres éléments décisifs : le conditionnement. Pour optimiser les ventes, il est important de proposer du thé en vrac, comme du thé en sachet. Le packaging enfin est un élément qui compte plus que pour d’autres produits. Car le thé aromatisé fait partie des produits que l’on aime offrir : plus belle sera la boîte, mieux elle se vendra. Et dans ce domaine, le choix est vaste.

La maison Nina’s, qui a racheté en 1986 la Distillerie Frères fondée par Pierre Diaz en 1672, propose par exemple un thé Marie-Antoinette dans une boîte métallique pétale de rose délicieusement rétro. English Tea Shop commercialise pour sa part des boîtes tubes (tendance du moment) remplies de thé en sachet. Ces boîtes au look plein de fraîcheur ont la particularité d’être rechargeables, ce qui permet d’augmenter le coefficient du revendeur, précise Cédric Richard.

À noter enfin que le thé en vrac présente l’avantage de favoriser la vente de produits accessoires du type boule à thé.

Quelle offre proposer ? Le principe qui s’applique à l’épicerie fine en général se confirme : plus votre offre en thés aromatisés sera étendue, plus vous en vendrez. C’est ce que préconise Agnès Defontaine, directrice générale de Betjeman & Barton : elle recommande un minimum de trente thés différents. L’originalité de cette prestigieuse maison parisienne est à souligner : Betjeman & Barton demande l’exclusivité (pas d’autres maisons de thé en magasin) et refuse de s’implanter dans les boutiques où l’on torréfie le café. Agnès Defontaine, passionnée de thé, voit dans la consommation de thé aromatisé une tendance plus féminine que masculine. Un élément à prendre en compte. Une gamme étendue permet également de répondre à la curiosité des consommateurs, qui passent facilement d’un thé aromatisé à un autre. Si l’idéal reste de proposer le thé à la dégustation, l’olfaction est déjà un élément capital : faire sentir un thé, c’est déjà enclencher l’acte d’achat.

©Patrick Aufauvre – Thés George Cannon

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