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Saké : une demande en forte croissance en épicerie fine

Encore méconnu du grand public, le saké attire une clientèle de plus en plus nombreuse en quête de découvertes et d’informations fiables. Entre 2013 et 2015, le marché du saké en France affiche un taux de croissance de presque 40 %. L’engouement des chefs pour le Japon mais aussi l’intérêt du grand public pour la nourriture, les produits et la cuisine japonaise ont permis à cette boisson pour initiés de se faire une place au rayon des boissons alcoolisées étrangères. Et ce n’est sans doute pas un hasard si les sommeliers des grands palaces parisiens (Peninsula, Bristol, Mandarin Oriental) l’inscrivent désormais à leur carte à côté des grands crus bourguignons et bordelais, de même que certains établissements à la mode, tel « Le Châteaubriand » du chef Inaki Aizpitarte à Paris dans le 11e arrondissement qui propose une dizaine de références en cave.

Dans le secteur de l’épicerie fine, la boisson nippone suscite également la curiosité des consommateurs à la recherche de produits différents et originaux. La Grande Épicerie de Paris référence déjà une trentaine de sakés. Nicolas Fortchantre dans son épicerie fine « Jeune Homme » dans le 7e arrondissement a lui aussi fait le pari de l’Asie avec une sélection de quatre références qu’il continue à enrichir. Et preuve que la tendance n’est pas que parisienne, « La Cave des Jacobins » à Morlaix dans le Finistère – qui possède un rayon épicerie fine – a de quoi satisfaire les amateurs.

UN PRODUIT QUI MÉRITE D’ÊTRE EXPLIQUÉ. Si le saké se démocratise, les clichés ont la vie dure. Le saké, pour la majoritéSPARKLING SAKE des consommateurs, s’assimile encore à cette infâme boisson servie en fin de repas dans les restaurants chinois. La première chose à faire est donc de tordre le cou aux idées reçues en expliquant ce qu’est vraiment le saké. Une boisson rare, extrêmement délicate et pleine de finesse. Mieux, c’est un univers passionnant qui pourrait « presque » faire oublier le vin lorsqu’on s’y intéresse. Et tout comme lui, il peut s’adapter à différents moments de consommation. Le saké se déguste à l’apéritif, lorsqu’il n’est pas pasteurisé (en version tranquille ou effervescent) il accompagne à merveille les produits de la mer, poissons et crustacés (notamment pour les Junmai et les Ginjô) et s’associe merveilleusement à un fromage à pâte cuite lorsqu’il est millésimé comme le Shizenshu 1992 de la maison Daishichi qui présente des notes de réduction, un peu à l’image des vins du Jura mais avec plus de finesse.

UNE ÉLABORATION COMPLEXE : Fabriqué à base de riz, le saké est un alcool à part dans la catégorie des boissons fermentées. Ni un vin car il est issu d’une double fermentation, ni une bière car la céréale n’est pas maltée et surtout pas un alcool car aucune distillation n’intervient. La première étape consiste à polir le grain de manière à n’en conserver que le cœur, riche en amidon. Le Tôji, maître sakéificateur, réalisera en premier lieu le Kôji – riz étuvé auquel est ajouté un champignon : l’aspergillus orizae – qui servira à dégrader l’amidon en sucre.

Après maturation de 48 heures, le Kôji est placé dans une cuve dans laquelle sont ajoutées une nouvelle quantité de riz, de l’eau et des levures achetées en laboratoire, ou cultivées par certaines maisons qui donnent ainsi leur propre identité. Ce pied de cuve sera la base de la fermentation dite parallèle, puisque l’amidon sera transformé en sucre et simultanément en alcool par les levures. Pour parvenir à une parfaite fermentation, trois ajouts de Kôji seront nécessaires. Le riz sera enfin pressuré, filtré et pasteurisé avant de maturer entre avril et octobre. À l’issue d’une seconde pasteurisation, le saké sera embouteillé et prêt à être consommé.

LA CLASSIFICATION DES SAKÉS : Aujourd’hui, parmi les différents paramètres employés pour classer les sakés, seul le taux de polissage du riz est mis en lumière, mais cela est réducteur si l’on en croit les spécialistes comme Hideharu Ohta, président de Daishichi Sake Brewery, l’un des grands producteurs japonais. La méthode de fabrication, le choix de la variété du riz, l’emploi de levure indigène ou hexogène, l’usage de la pasteurisation et le temps de maturation, chacun de ces éléments agira sur les parfums et la qualité du saké. On trouve ainsi les Ginjô dont le taux résiduel de riz après polissage est inférieur à 60 % (ce qui reste du grain) ainsi qu’à un procédé de fermentation à basse température de manière à obtenir des arômes bien spécifiques plutôt floraux. Les Daiginjô sont des Ginjô haut de gamme dont le taux résiduel est inférieur à 50 % ; ils sont très élégants, plus équilibrés et plus aromatiques en bouche que les Ginjô.

Les Junmai Daiginjô se classent dans le haut de la gamme : ce sont des sakés avec plus de corps et plus d’acidité qui accompagnent facilement un repas.On peut ensuite les classer en quatre familles selon leur saveur et leur force aromatique. On distingue les Kunshu (très aromatiques), les Sôshu (très légers et frais), les Jukushu (sakés maturés) et les Junshu (riches et généreux). Il est intéressant de sélectionner au moins un saké « kimoto » – fabriqué avec usage de levure indigène – dont la bouche est plus complexe et les parfums extrêmement fins. Et pour l’apéritif, un saké non pasteurisé offrira plus de fraîcheur et plus d’acidité.

Le saké peut se consommer de façon ludique en empruntant les codes en usage au pays du soleil levant. Un tokkuri – petit pichet qui sert à verser la boisson – et des choko (ou guinomi), récipients en verre, céramique, métal ou bambou peuvent ainsi être utilisés et par conséquent vendus dans vos boutiques. En Occident, le verre à pied est de plus en plus employé car il permet de mettre en exergue tous ses parfums.

CONSOMMATION ET CONSERVATION : Si le saké peut se boire entre 5° et 50°, deux températures sont principalement privilégiées. Frais – température du réfrigérateur – pour les sakés Ginjô, à température ambiante pour les sakés plus riches avec plus de caractère comme les Junmai ou les Kimoto. À chacun d’essayer diverses températures pour définir celle qui lui convient le mieux. Une fois la bouteille ouverte, elle se conserve au réfrigérateur et se consomme de préférence dans les huit à dix jours même si certains sakés d’exception ne perdent aucune qualité trois semaines plus tard.

COMMENT FAIRE VOTRE SÉLECTION :Pour séduire les palais occidentaux, les spécialistes comme Toshiro Kuroda, fondateur de l’épicerie Workshop Isse à Paris – à l’origine de la démocratisation en France de la boisson nippone il y a plus de 10 ans – incite à proposer des sakés plutôt floraux ou fruités comme les Ginjô, flatteurs pour un public habitué au vin. Sinon, laissez-vous guider par les produits que vous proposez en boutique pour sélectionner des sakés qui pourraient s’y associer : terrines de la mer, tartinables pour l’apéritif, fromages… Les accords mets et saké sont un excellent moyen pour amener vos clients à la découverte d’un produit vers lequel ils ne se tournent pas encore spontanément.

La palette de saveurs et de parfums des sakés est suffisamment large pour ouvrir un champ des possibles assez vaste. Et pour découvrir la large gamme des sakés et leur palette aromatique, l’idéal est de vous rapprocher d’un fournisseur qui pourra vous guider, ou mieux, de visiter un salon afin d’aller à la rencontre des producteurs qui vous permettront de déguster le fruit de leur travail. Rien de mieux pour se faire son propre avis et pouvoir ensuite parfaitement renseigner et guider vos clients.

Michel Tanguy

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